Un élève de cette étrange école si loin dans ces bois ? Pourquoi ? [PV Benjamin Mucce]

- Fais ceci, fais cela, et blablaba...
Benjamin parla d'une voix grossièrement aigüe - même si, déjà à la base, la sienne n'était pas grave - et faisait des grimaces exagérées. A ce stade-là, on aurait plus dit un gamin de moins de dix ans plutôt qu'un adolescent en ayant sept de plus. Trop, voilà, on lui en demandait trop. Et aller dans la forêt ou le parc ne l'aiderait pas à se calmer puisque c'était pour un devoir qu'il devait y aller. Biologie. Comme toute autre science, il n'aimait pas, bien que tout dépendait du sujet. Il se souvenait l'année dernière, ils avaient eu la chance - chance ?! - de pouvoir voir de vrais organes, tout frais. Il était tombé dans les pommes. Comme quoi, suivre les cours pouvait être dangereux. Surtout quand on demande aux jeunes de sortir observer la nature, alors que les températures descendaient en-dessous de zéro et que le paysage était recouvert d'une belle couche de neige équilibrée.
C'est donc en laissant trainer ses pieds dans la neige que l'adolescent s'avança dans la forêt. Il leva les yeux vers le dessus des arbres, avant de le baisser au sol, regardant les rares plantes qui survivaient à l'hiver. Les perces-neige étaient ses préférées. Petites fleurs blanches poussant sur cette étendue d'une même couleur.
Mis à part ses trainées de baskets, il n'y avait que des empreintes d'oiseau et plus il s'enfonçait entre les grands arbres, moins de traces il y avait. Jusqu'à ce qu'il n'y en ait plus du tout, et cela le fit soupirer bruyamment. Mais alors, comment cela se fait-il qu'il soit tombé nez-à-nez avec un autre adolescent ? Alors qu'il ne l'avait même pas entendu approcher ! Benjamin ouvrit de larges yeux. Il ne lui semblait pas avoir déjà vu cet adolescent aux cheveux châtains et aux yeux bruns. Même pas à l'école, de loin. Et le regard avec lequel il l'observait mettait mal à l'aise le jeune homme aux yeux grisonnant. C'est à ce moment qu'il commença à regretter de s'être aventurer si loin, seul. Et si c'était un psychopathe, un violeur et sadique, sans vouloir trop en rajouter ? L'adolescent aux yeux bleu-gris inspira profondément pour se calmer lui et ses pensées changeantes - il était passé de psychopathe à simple SDF. Non, l'inconnu n'avait rien de bien dangereux, à part le fait que ce soit un inconnu. C'était sans compter la dague dont il s'arma et qu'il pointa vers Ben', l'observant toujours d'un regard noir. Ce dernier, en voyant l'arme, ne put s'empêcher de laisser échapper un léger couinement en reculant d'un pas.
- Qui es-tu ? Et que fais-tu ici ?
L'adolescent en question leva ses yeux de l'arme vers l'autre dès qu'il entendit sa voix froide et pleine de méfiance. Ce n'était pas lui qui était face à un mec armé qui semblait savoir s'en servir. Benjamin regarda ensuite autour d'eux, cherchant une potentielle échappatoire si l'autre venait à attaquer - on ne sait jamais. Il croisa les bras sur son torse.
- B-Benjamin Mucce. Je... Je me suis un peu trop éloigné de l'école... répondit-il d'une faible voix et quelque peu éraillée. Tu peux baisser ton arme, s'il te plaît ? Cela me met mal à l'aise... Je-Je te ferai rien... crut-il bon d'ajouter.
Et comme pour le prouver, il décroisa les bras et leva légèrement les mains - quoique ce fut illogique au vue de ses pouvoirs. Il inspirait si peu confiance que l'inconnu réagisse ainsi ? Surtout qu'il devait plus avoir l'air d'une biche effrayée face un prédateur. Il toussota pour s'éclaircir la voix.
- Mais... Et toi, qu'est-ce que tu fais ici ? Je t'ai jamais vu.

L'inconnu finit par ranger sa dague mais il n'en resta pas moins méfiant. Que lui était-il donc arrivé pour qu'il se mette ainsi sur ses gardes ? Surtout face à Ben'. Il devait bien remarquer que ce dernier n'était en rien une menace, mais bon, il n'était pas télépathe, il ne savait pas ce qui se passait dans la tête de l'adolescent aux cheveux bruns. Néanmoins, le blond pouvait se satisfaire de paraître être une pseudo-menace pour au moins une personne, qu'il ne connaissait pas et qui ne le connaissait pas, mais c'était un être humain et tous savaient que l'adolescent ne faisait peur à personne.
-  Ce que je fais ici n'est pas ton problème, de toute manière je ne suis que de passage.
Benjamin fronça légèrement les sourcils, déconcerté par cette réponse qui lui semblait si peu naturelle. La confiance régnait... Mais il ne pouvait pas en vouloir à l'inconnu. Comme il l'avait déjà pensé, ils ne se connaissaient pas, alors pourquoi lui répondrait-il ? Pensant ainsi, il n'aurait pas dû répondre aux questions qui lui avaient été posées non plus. Décidément, il n'était pas des plus futés et aussi, le fait qu'il ait eu une arme face à lui l'avait incité à répondre franchement.
Le jeune blond gonfla légèrement les joues avant de soupirer. Certes, le fait que l'adolescent aux cheveux bruns soit ici ne le regardait pas, ce dernier aurait quand même pu faire un effort pour être un peu plus gentil et adopter un ton moins froid. Et Ben' voulut répondre mais un sifflement retentit. Un sifflement, il avait bien entendu ? Levant les yeux, il vit un épervier s'approcher d'eux et se poser sur l'avant-bras de l'inconnu. Ce dernier semblait connaître l'oiseau - en même temps, pour le laisser venir sur son bras, le volatile devait forcément être le "sien" - et grand fut l'étonnement du blond quand il remarqua qu'ils avaient l'air de se comprendre. Enfin, à en croire par les sifflements du rapace, comme s'il tenait discussion. Seulement, après deux sifflements, il s'envola aussi brusquement qu'il était arrivé et alla se poser dans un sapin plus loin. Benjamin le suivit de ses yeux bleus-gris et les laissa poser sur l'arbre dans lequel se trouvait l'oiseau. Après un moment à regarder à présent le vide, il tourna à nouveau la tête vers l'adolescent - dont il ne connaissait toujours pas l'identité, d'ailleurs. Le blondinet donna de légers coups de pied dans la neige.
- Pas la peine de te montrer si froid, je ne t'ai rien fait... dit-il d'une faible voix, digne d'un enfant.
Il voulut lui demander, enfin, qui il était mais après mûres réflexions, il se dit qu'il se ferait aussi bien rembarrer que pour sa première question. Et une fois, cela lui avait suffi. Alors il détourna le regard et observa les alentours, se demandant en même temps si l'inconnu allait écouter sa remarque et montrer un peu moins sa méfiance dans le ton de sa voix. Ses prunelles divaguant, elles retombèrent là où s'était dirigé le rapace auparavant. Il regarda à nouveau l'autre adolescent et demanda finalement, d'une voix plus détendue - peut-être aussi dans l'espoir d'amener l'inconnu à lui faire un peu plus confiance - :
- L'épervier, il te suit partout où tu vas ? D'ailleurs, ça fait longtemps que tu voyages, comme ça, en solitaire ?
Après un court instant de silence, il ajouta, plus pour lui-même mais toutefois à voix haute :
- Enfin, j'imagine que ça ne me regarde pas non plus, pour ce dernier point...
Dommage, il aurait bien voulu en apprendre plus sur le pourquoi du comment cela se faisait qu'il était là et sinon, aussi savoir jusqu'où il comptait aller dans sa petite épopée. Après. Après, il lui demanderait son identité.

L'inconnu soupira en levant les yeux au ciel. Benjamin se mordilla la lèvre inférieure, se disant qu'il était en effet allé trop loin en posant une simple question qui semblait pourtant dérisoire. Pourquoi voulait-il cacher à se point son passé, son identité et pourquoi était-il si méfiant ? Tant de questions que l'adolescent aux cheveux blonds n'osait poser à l'autre jeune homme. Parce qu'il savait que ça ne le regardait pas et qu'il ne recevrait pas de réponse. A aucune de ses questions. Quoique...
- Ouais, c'est mon seul ami. Ça fait 3 bonnes années, même si j'avoue que cela ne te regarde pas vraiment.
Son ton était moins méfiant que les fois précédentes, peut-être parce qu'il se rendait compte que mis à part un côté trop curieux, Benjamin était loin d'être quelqu'un de dangereux et dont il fallait se méfier pour le pire. Cela se voyait rien que par son apparence. Après mûres réflexions, ce devrait plutôt être lui qui devait se méfier de l'inconnu et pourtant, il cherchait juste à le mettre en confiance. Mais il ne savait comment faire, puisque l'adolescent refusait de lui dire ne serait-ce qu'un petit détail concernant sa vie. Le blond enfonça ses mains dans les poches de sa veste, sentant le froid de l'hiver lui mordre la peau. Pour ce qui était de ce qu'il venait d'apprendre, il ouvrit des yeux étonnés. Trois ans que l'inconnu voyageait ! Sans attache, ne vivant que de ce qu'il gagnait. A ce stade-là, on ne vit plus, on survit. Et reportant la situation à sa personne, il se dit qu'il n'en serait jamais capable. Il n'avait ni le caractère assez fort ni une mise en forme adaptée. L'adolescent timide mais qui avait néanmoins besoin d'attaches ne survivrait pas une semaine dans la nature. Alors, forcément, une lueur de respect brillait dans ses yeux bleu-gris à l'encontre de l'autre adolescent.
Haussant les épaules et déviant son regard en biais, il inspira profondément pour expirer dans un léger soupire. L'adolescent aux cheveux bruns avait le mérite d'être clair quand il disait que quelque chose ne regardait pas celui à qui il s'adressait. Cela fit sourire Benjamin malgré tout.
- Tu es franc, c'est une bonne chose pour certains.
Réfléchissant à ses paroles, il poursuivit :
- Hum... Ce n'est pas trop dur de vivre, comme ça, seul ?... Enfin, presque seul. Tu as pas envie de t'arrêter et t'installer quelque part où tu te sens bien ? Et, en fait, pourquoi tu es parti ? Tu as fugué... ?
Il se mordit alors la lèvre. La question lui avait échappée et sa curiosité aurait pu être à damner. Mais en même temps, il voulait savoir. Cela n'arrivait pas souvent de rencontrer quelqu'un qui vivait dehors depuis trois longues années et qui pourtant semblait être en bonne santé. Pour partir ainsi, il y avait forcément une raison.